L'Habeas corpus

Publié le





L'Habeas corpus

extrait d'une mise à jour sur la situation de Mumia Abu-Jamal par son avocat Maître Weinglass
(mai 96)

Depuis le rétablissement de la peine capitale en 1976, les Cours fédérales ont servi de rempart contre le flot de verdicts de mort arbitraires et capricieux rendus par les tribunaux des Etats en flagrante violation des droits garantis par la constitution fédérale. Bien que les juges de l’ère Reagan/Bush aient beaucoup réduit cette protection, ce ne sont toutefois pas moins de 40% des sentences ou verdicts de mort prononcés par l’ensemble des Etats qui ont été cassés par les juges fédéraux.

Ce fait n’a pas échappé aux forces de droite, favorables à la peine capitale, qui cherchaient à presser le rythme des exécutions des détenus du couloir de la mort, dont le nombre excède à présent les 3000. A maintes reprises, elles ont tenté de faire promulguer des lois qui, non seulement permettraient d’accélérer la révision fédérale des sentences capitales prononcées par les Etats, mais aussi de restreindre l’autorité et le pouvoir d’intervention qu’ont encore les Cours fédérales. Tous leurs efforts, sans exception, ont échoué et ceci est principalement dû au fait que les représentants du parti au pouvoir répugnaient à altérer la procédure selon laquelle les juges fédéraux examinent les procès ayant abouti à une condamnation à mort.

Cette procédure à pour nom “l’Habeas corpus”; c’est à dire un droit ancien arraché à leur roi par les gens du peuple, en Grande -Bretagne (1679). Il accorde à quiconque est en état d’arrestation le droit de contester la légalité de sa détention en déposant un ordre écrit (writ) ou un requête auprès de la Cour. La Grande Requête (the Great Writ), comme on l’appelle couramment, est reconnue comme la marque d’une société libre, “une garantie fondamentale”, comme la Cour suprême l’a récemment noté, contre la tyrannie et l’abus de pouvoir. C’est le seul droit de l’homme inscrit dans le texte original de la Constitution.
Tous les autres droits,  connus sous l’appellation collective de Bill of Rights (Déclaration des Droits, 1791), n’ont fait leur apparition que quand les Etats ont proposé les 10 premiers amendements à la Constitution (1787), en échange de leur ratification de celle-ci. Tout au long des 200 dernières années, l’Habeas Corpus a été le moyen par lequel tous ceux, détenus à tort, ont pu retrouver la liberté.


Toutefois, la  législation concernant  l’Habeas corpus a subi un changement dramatique “sapant le rôle historique des Cours fédérales dans leur pouvoir de corriger les jugements et arrêts inconstitutionnels des Cours d’État”, comme le rapporte l’éditorial du New York Times du 13 mars 1996. La loi sur le contre-terrorisme et pour une application effective de la peine de mort (Counterterrorism and Effective Death penalty Act) de 1995, adoptée en avril 1996, vide de tout sens l’Habeas corpus et abandonne le destin de Mumia et de plus de 3000 autre détenus dans le couloir de la mort au bon vouloir des juges d’État comme Albert Sabo. Elle définit des délais stricts pour déposer recours et, ceci est d’autant plus vrai pour Mumia, elle change les règles d’après lesquelles les juges fédéraux peuvent statuer en faveur des accusés. Elle accorde aux juges d’État une “présomption de rectitude” en respectant les conclusions menant à leurs verdicts (Sabo en a consigné plus de 150, toutes, sans aucune exception, défavorables à Mumia) et oblige l’accusé à apporter des preuves claires et convaincantes à l’encontre des conclusions de la Cour.
Enfin, cette loi autorise que les sentences soient exécutées si les juges d’États se sont simplement trompés dans leur interprétation des droits fédéraux (ils doivent s’être trompés de “façon déraisonnable”, quoi que cela veuille dire).

Alors que cette loi sera certainement remise en question, et pourrait être finalement renversée ou modifiée, elle complique grandement la procédure pour Mumia et réduit ses chances d’obtenir un nouveau procès.



Leonard Weinglass
 Mi-mai 1996   

Traduction : C.S.P.P.
   
************************
L’Habeas corpus


La justice pénale aux Etats-Unis est caractérisée par la présomption d'innocence et l'absence de garde à vue qui découle du fameux Habeas Corpus anglais. Les voies de recours sont nombreuses et variées. Certains recours consistent à présenter aux différentes cours des erreurs de droit nouvellement décelées. Le plus connu d'entre eux est l'habeas corpus.
L'objet de la requête en habeas corpus est simplement d'obtenir la vérification judiciaire de la légalité de la détention. Si le juge la déclare régulière, le condamné peut faire recours devant la Cour d'appel, puis un second appel le cas échéant devant la Cour de dernier ressort du système considéré. S'il s'agit d'un prisonnier d'Etat qui n'a pas obtenu gain de cause devant le système judiciaire de son Etat, il peut encore s'adresser au juge fédéral : Cour de district, puis Cour d'appel, et enfin Cour suprême. L'intéressé peut recommencer toute la procédure (habeas corpus local, puis habeas corpus fédéral) pour chacun des points de droit qu'il invoque pour contester la légalité de sa détention. Mais chacun des juges saisis apprécie à sa discrétion la recevabilité de chacune des requêtes présentées et, le cas échéant, il accorde une audience.
 
Publié dans le bulletin Abolir, juin 1998, d'après : Le droit pénal américain, par Jean Cedras, PUF - Collection Que sais-je n°3173, mai 1997.



















Publié dans Docs divers

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article